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Un terrain ethnographique à Paris

J’ai commencé ma résidence à la Galerie The Window en Juin 2014. Le projet visait à mettre en place un exercice ethnographique utilisant les matières visuelles (objets, images, photos) et l’espace de la galerie comme principal support d’analyse et d’écriture. 

Au début, les objectifs étaient, d’un côté s’interroger sur l’expérience quotidienne, l ́identité, la limite entre l ́intérieur et l ́extérieur, dans un territoire urbain particulier, celui des alentours de la galerie, situé dans la rue Gustave Goublier à Paris. il s’agissait aussi de réfléchir aux formes et méthodologies du travail ethnographique, c’est-à-dire, aux manières dont on connaît les « autres », les principes et méthodes qui organisent l’analyse, ainsi que les façons dont on imagine et construit un récit ethnographique.

 

Après quelques semaines d’exploration dans le quartier je me suis rendu compte que l’espace public était trop large, ce qui rendait difficile de cibler la recherche sur un élément en particulier. En outre le quartier, densément occupé par des migrants africains, semblait plutôt hostile au regard photographique. J’ai décidé alors de focaliser sur les intérieurs domestiques des voisins du quartier.
Le domicile, axe central de l’expérience quotidienne (Giannini 1999) et espace fondamental dans la construction des identités individuelles et collectives (De Pina Cabral 2013; De Pina Cabral 1989; Marcelin 1999; Carsten and Hugh-Jones 1995), s’avérait un lieu privilégié pour approcher ces sujets. D’autant plus qu’il s’agit d’un espace (foyer) dans lequel les matérialités (objets, images, etc.) jouent un rôle central dans la construction et socialisation de l’idée du monde et des principes qui organisent l’expérience sensible du quotidien (Bourdieu 1970; Miller 2001; Cieraad 2006; Segalen and Le Wita 2003). 

Ainsi,  pendant les quatre mois de ma résidence j’ai visité 12 appartements, utilisant les photographies comme principal dispositif d’observation et de registre. Mon intention au départ était de ne pas faire d’entretiens, mais de centrer toute l’attention sur le visible, les matérialités, cherchant par ce biais à dépasser la prééminence du langage dans le travail ethnographique.

Tout au long de cette expérience je me suis aussi servie d’un cahier de terrain pour y enregistrer les principales impressions et réflexions issues de rencontres.

A différence de ce que j’attendais et ce que j’observais dans les rues, à l’intérieur des appartements je ne me suis pas retrouvée avec des migrants, mais avec des français de classe moyenne et classe moyenne supérieure. Cela m’a paru particulièrement intéressant, vu que, en tant que migrante chilienne, ce n’était pas le type de personnes que j’avais l’habitude de rencontrer à Paris. Dans ce sens, ils étaient pour moi des vrais « étrangers », ce qui faisait de l’exploration des foyers une découverte encore plus intéressante.

Sans savoir clairement ce que je cherchais, j’ai entrepris les visites. À chaque occasion j’ai essayé de faire un maximum de photographies, sans orientation particulière. Malgré mes prétentions de départ, j’ai quand-même réalisé des petits entretiens avec habitants, ce qui me permettait d’établir une communication avec eux, mais aussi de m’accrocher à quelque chose de connu et de maîtrisable.

Ces visites ont engendré une série d’idées et d’intuitions, que je n’arrivais pourtant pas à canaliser vers un concept visuel ou une image concrète ; la seule façon dont je réussissais à les articuler étaient en termes analytiques-intellectuels.

Cuaderno de terreno/Cahier de terrain
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